Qu’est-ce qui pousse certaines personnes à entasser des journaux, des emballages ou des vêtements usagés jusqu’à ne plus pouvoir circuler chez elles ? Derrière l’accumulation massive d’objets se cache un trouble méconnu : la syllogomanie. Bien plus qu’un simple attachement aux choses, elle reflète un désordre psychique souvent douloureux. À travers l’analyse des 10 objets les plus souvent retrouvés dans les logements syllogomanes, cet article vous propose de plonger dans l’univers de celles et ceux qui vivent avec ce trouble, pour mieux comprendre leurs besoins, leurs peurs, et surtout, comment les aider à s’en sortir.
1. Les journaux et magazines anciens
Parmi les objets les plus couramment accumulés, les journaux et magazines tiennent une place particulière. Les syllogomanes les gardent souvent dans l’idée de les lire plus tard, de conserver une information utile, ou parce qu’ils symbolisent un lien avec le monde extérieur. Ces piles de papier peuvent s’accumuler dans toutes les pièces du logement, jusqu’à former des murs entiers de publications périmées. Leur élimination est généralement vécue comme une grande perte, comme si l’on effaçait une partie de leur histoire personnelle ou intellectuelle. L’attachement à ces objets n’est pas rationnel : même si les informations sont obsolètes, la peur de “manquer quelque chose” persiste. En outre, les journaux s’associent souvent à des routines passées : le café du matin, les dimanches en famille, les habitudes d’avant la rupture sociale. C’est pourquoi les jeter sans préparation peut provoquer une angoisse très intense chez les personnes concernées.
2. Les emballages vides (cartons, plastiques, boîtes)
Un autre signe très révélateur de la syllogomanie est l’accumulation d’emballages vides : boîtes de céréales, flacons de shampoing, bouteilles d’eau, sacs plastiques, barquettes de surgelés… Ces objets, pourtant sans aucune valeur utilitaire, sont conservés dans l’idée de “réutiliser un jour”, “faire du bricolage”, ou parce qu’ils ont une forme ou une couleur plaisante. Certains syllogomanes ont une relation quasi artistique avec ces déchets ménagers, les considérant comme des matériaux potentiels pour des créations ou des rangements à venir. En réalité, ils ne sont jamais utilisés et finissent par envahir les placards, les tiroirs, et même les sols. Le problème n’est pas tant le volume que la difficulté à trier et jeter, perçue comme un risque de perte ou de regret. L’emballage devient un symbole de potentiel, un objet qui pourrait servir, et donc qu’il serait imprudent d’écarter. Cette peur de jeter “trop vite” traduit souvent une anxiété décisionnelle profonde.
3. Les vêtements usagés ou jamais portés
Dans de nombreux cas, les personnes atteintes de syllogomanie possèdent des armoires pleines à craquer de vêtements, souvent entassés dans des sacs, sur des fauteuils ou dans des cartons. Il peut s’agir de vêtements usés, déchirés, démodés ou même neufs avec étiquette. L’idée sous-jacente est qu’ils pourraient encore servir, “au cas où”, ou qu’ils sont liés à des souvenirs importants. Certains syllogomanes conservent les vêtements de proches décédés, d’anciens conjoints ou de périodes heureuses de leur vie. Jeter un vêtement, même abîmé, peut être vécu comme un deuil supplémentaire. Dans d’autres cas, ces habits sont le reflet d’une identité fantasmée : la garde-robe d’une vie que la personne espère retrouver. Leur accumulation devient alors un moyen de rester relié à des projections positives ou à des repères affectifs puissants. Le vêtement devient mémoire, enveloppe rassurante, et son élimination est vécue comme un déchirement.
4. Les papiers administratifs
L’accumulation de papiers administratifs est très fréquente chez les personnes syllogomanes. Factures, contrats, courriers de la CAF, bulletins de salaire, mais aussi publicités, tickets de caisse et vieilles ordonnances médicales peuvent s’amonceler dans des cartons, des tiroirs, voire sur le sol. Le sentiment de perdre une preuve ou un droit pousse à ne rien jeter. Le tri est évité par peur de l’erreur ou par manque de concentration. Ce type d’accumulation peut avoir des conséquences pratiques importantes : la personne ne retrouve plus les papiers importants, oublie des échéances, et finit parfois par couper tout lien avec les institutions. Dans certains cas, la phobie administrative est telle que les courriers ne sont même plus ouverts. Les enveloppes s’entassent, scellées, comme si les informations qu’elles contiennent pouvaient disparaître avec le temps. C’est l’un des points les plus sensibles à traiter lors d’un désencombrement, car il touche directement au sentiment de contrôle et de sécurité.
5. Les objets électroniques obsolètes
Dans les logements syllogomanes, il n’est pas rare de découvrir une collection d’appareils électroniques hors d’usage : vieux téléphones portables, câbles, chargeurs, imprimantes, ordinateurs cassés, radios, télévisions à tube cathodique… Ces objets sont conservés dans l’idée qu’ils pourraient être réparés, ou que certaines pièces pourraient servir un jour. Parfois, la personne n’ose pas jeter parce qu’elle ne sait pas comment se débarrasser des objets électroniques légalement, ou par crainte de “polluer”. Mais dans de nombreux cas, il s’agit d’un attachement affectif ou identitaire : un ancien téléphone peut rappeler une époque heureuse, un ordinateur une ancienne carrière. Ces objets deviennent des marqueurs de mémoire, des repères dans une vie qui semble avoir perdu son fil. Leur élimination est souvent très difficile, car elle donne l’impression d’effacer un chapitre personnel.
6. Les livres et manuels scolaires
Les livres sont une des formes d’accumulation les plus fréquentes, et aussi les plus acceptées socialement, ce qui rend leur surcharge parfois invisible. Pourtant, dans le cas de la syllogomanie, les bibliothèques deviennent des masses informes de papiers, empilés au sol, dans les escaliers ou même dans la salle de bain. Ces livres, souvent jamais ouverts, sont gardés pour leur contenu potentiel, pour “apprendre un jour”, ou parce qu’ils évoquent une période d’études ou de passion. La personne syllogomane développe une forme de culte de la connaissance inaccessible, où le livre devient promesse de compétence, de mémoire ou de reconnaissance. Jeter un livre est perçu comme un geste violent, presque sacrilège. Il est donc fréquent que les personnes concernées préfèrent laisser les livres se détériorer plutôt que de les céder, même à des associations.
7. Les objets cassés ou à réparer
Un autre grand classique de la syllogomanie est l’amoncellement d’objets cassés : lampes hors d’usage, meubles bancals, vaisselle ébréchée, jouets abîmés… Ces objets sont conservés dans l’espoir de pouvoir les réparer un jour, ce qui n’arrive presque jamais. Le logement devient alors un atelier immobile, où chaque chose attend son heure qui ne vient pas. Cet espoir de réparation est parfois symbolique : comme si réparer un objet abîmé était une manière de réparer quelque chose en soi. Par ailleurs, jeter un objet cassé, c’est reconnaître son inutilité, ce que la personne syllogomane a beaucoup de mal à faire. Elle préfère le garder « au cas où », quitte à sacrifier son espace vital.
8. Les bibelots, souvenirs et objets sentimentaux
Les objets à forte valeur émotionnelle sont au cœur de l’univers syllogomane. Il peut s’agir de figurines, de souvenirs de voyage, de peluches, de lettres, de cartes postales, de cadeaux anciens. Chacun de ces objets représente un lien affectif fort, parfois même la mémoire d’un être cher disparu. Le trouble commence lorsque cette accumulation devient démesurée : les objets envahissent l’espace, sont posés au sol, recouvrent les meubles. Jeter l’un d’eux est perçu comme une trahison émotionnelle, voire une infidélité au souvenir qu’il incarne. L’objet devient un substitut de la relation perdue, un ancrage dans un passé qu’on ne veut pas lâcher. C’est l’une des formes d’accumulation les plus douloureuses à gérer lors d’une intervention.
9. Les produits alimentaires périmés
L’accumulation de nourriture périmée est un symptôme très courant dans les cas de syllogomanie avancée. Les personnes conservent des boîtes de conserve rouillées, des paquets de pâtes infestés, ou encore des produits frais moisis dans des frigos hors service. La peur du gaspillage, la négligence de l’hygiène, mais aussi une relation perturbée à la nourriture expliquent ce phénomène. Il s’agit parfois d’un mécanisme de survie psychologique, surtout chez les personnes ayant connu des privations dans leur passé. L’idée que “ça pourrait encore servir” domine, même lorsque l’objet est manifestement dangereux pour la santé.
10. Les animaux naturalisés, objets insolites et curiosités
Enfin, certains syllogomanes développent une obsession pour des objets insolites, voire choquants : animaux naturalisés, poupées cassées, objets trouvés dans la rue, produits de récupération invraisemblables… Ces objets, aux yeux des autres, sont sans valeur, mais ils forment pour la personne une collection unique, un monde intérieur dans lequel elle se réfugie. Ce type d’accumulation est parfois lié à un besoin de différenciation, de création d’un univers personnel qui compense un vide relationnel. Leur tri nécessite une extrême précaution, car ils sont souvent au cœur de la construction identitaire de la personne.