305 animaux découverts dans une maison dans les Pyrénées Orientales : une intervention hors normes liée au syndrome de Noé

Appelez-nous

Obtenez votre devis

Demandez un devis

syndrome de noe tortues

C’est une scène aussi impressionnante qu’émouvante qu’ont vécue les bénévoles de l’association Un Gîte Une Gamelle, dimanche 30 mars 2025, à Bompas, dans les Pyrénées-Orientales. Alertés par un signalement anonyme, ils ont découvert dans une maison de la commune plus de 300 animaux vivants dans des conditions alarmantes, révélant un probable cas sévère de syndrome de Noé.

Dans cette maison résidentielle d’apparence ordinaire, des dizaines de cages s’entassaient au rez-de-chaussée. Tortues, oiseaux exotiques, chinchillas, lapins et autres animaux cohabitaient dans un espace saturé, parfois dans un état de santé critique. Ce sont précisément 305 animaux qui ont été recensés par les bénévoles de l’association, appuyés par les gendarmes et des agents de l’Office français de la biodiversité venus sécuriser l’opération.

Une maison transformée en refuge improvisé

Dès leur entrée dans le domicile, les équipes ont été frappées par l’odeur prenante et l’état d’insalubrité. “Nous avons dû sortir plusieurs fois pour respirer un peu d’air frais. Les conditions étaient intenables”, confie Corinne Legrand, présidente de l’association Un Gîte Une Gamelle. Selon elle, il était évident que l’occupante de la maison, une femme âgée d’environ 70 ans, n’était plus en capacité de prendre soin de tous ces animaux.

“Certains vivaient dans de toutes petites cages, d’autres se marchaient littéralement dessus. Il y avait des cacatoès rosalbin, des espèces protégées de tortues, des rongeurs en détresse… et même des lapins incapables de se déplacer à cause de la longueur de leurs griffes”, décrit Marina Pastou Santacroce, responsable d’un des refuges d’accueil à Céret.

Le syndrome de Noé : un trouble encore mal connu

Derrière cette accumulation massive d’animaux se cache un trouble psychologique bien identifié, mais encore trop peu médiatisé : le syndrome de Noé. Ce trouble du comportement, proche du syndrome de Diogène mais spécifique aux animaux, se caractérise par une accumulation excessive et pathologique d’êtres vivants. La personne atteinte recueille des animaux de manière compulsive, sans conscience des limites imposées par l’espace, le temps ou ses propres capacités physiques et financières.

Les animaux s’accumulent les uns après les autres, souvent recueillis “par compassion”, dans un élan d’altruisme mal canalisé. Mais ce qui commence parfois par une bonne intention peut rapidement tourner à la catastrophe : l’incapacité à dire non, la peur qu’un animal ne soit maltraité ailleurs, ou le besoin affectif de créer du lien finissent par submerger la personne, qui se retrouve complètement dépassée.

Dans le cas de la septuagénaire de Bompas, les premiers éléments recueillis laissent penser qu’elle n’agissait pas dans un but lucratif. Néanmoins, certaines zones d’ombre subsistent. “Nous avons trouvé des oiseaux rares dont la valeur dépasse les mille euros pièce”, souligne Corinne Legrand. “Cela pose question : s’agissait-il uniquement d’un cas de syndrome de Noé, ou y avait-il également un volet de trafic dissimulé ?”

Le syndrome de Noé est un trouble complexe, souvent lié à une histoire de souffrances personnelles, de solitude ou de traumatismes non résolus. Il touche majoritairement des femmes âgées, vivant seules, et partage plusieurs caractéristiques avec d’autres pathologies psychiatriques, notamment le trouble obsessionnel-compulsif (TOC), les troubles de l’attachement ou encore certaines formes de dépression chronique.

Une logistique d’urgence pour sauver les animaux

Face au nombre impressionnant d’animaux, l’association a dû réagir dans l’urgence pour éviter la catastrophe sanitaire. Des partenariats ont été rapidement activés pour répartir les animaux dans plusieurs structures de la région. Une partie des bêtes a été acheminée vers le refuge de Marina Pastou à Céret, une autre à l’APAC 66, tandis que les oiseaux les plus rares ont été confiés à un spécialiste des volatiles.

“À Céret, nous avons dû faire venir une toiletteuse en urgence. Les lapins avaient des poils tellement emmêlés et des griffes si longues qu’ils ne pouvaient même plus marcher. Certains souffrent de malformations dues au manque de soins”, explique Marina. Malgré leur condition physique dégradée, les animaux ont pour la plupart survécu à cette vie recluse. Leur état général fait aujourd’hui l’objet d’un suivi vétérinaire complet.

Les images partagées par l’association sur ses réseaux sociaux ont suscité une vague d’émotion dans tout le département, entraînant de nombreux appels de particuliers souhaitant adopter un animal. Mais l’association temporise : aucune adoption ne sera envisagée tant que les vétérinaires n’auront pas donné leur feu vert et que les procédures judiciaires ne seront pas closes.

Une enquête en cours et des questions qui demeurent

La septuagénaire à l’origine de cette situation sera prochainement entendue par la gendarmerie. Pour l’heure, aucun acte de maltraitance volontaire n’a été relevé, mais une enquête est en cours pour déterminer les motivations exactes de cette accumulation. Était-elle consciente de la souffrance animale induite par ses conditions d’hébergement ? Avait-elle des complicités ? Était-elle en lien avec des réseaux de vente illégale d’animaux exotiques ? Autant de questions auxquelles les enquêteurs tenteront de répondre dans les semaines à venir.

Ce type de situation n’est malheureusement pas isolé. En France, plusieurs dizaines de cas de syndrome de Noé sont recensés chaque année, mais beaucoup restent cachés. Par peur du jugement, par honte ou par déni, les personnes concernées dissimulent leur mode de vie. Il faut souvent un signalement anonyme, une dénonciation d’un voisin, ou une intervention d’urgence pour que la vérité éclate.

Une intervention qui marque les esprits

“Nous avons sauvé 305 vies ce jour-là”, affirme avec émotion Corinne Legrand. “Ce n’est pas juste un chiffre. Ce sont des êtres vivants qui ont souffert dans l’ombre, pendant des mois, peut-être des années.” Pour les membres de l’association, cette opération restera longtemps dans les mémoires. Par son ampleur, mais aussi par le message qu’elle véhicule : la détresse humaine peut prendre des formes insidieuses, parfois camouflées derrière une apparente bienveillance.

Ce drame soulève également une question de fond : comment mieux prévenir ces situations ? Faut-il renforcer le rôle des services sociaux dans le suivi des personnes isolées ? Mettre en place un encadrement spécifique pour la détention d’animaux exotiques ? Former les vétérinaires et les associations à repérer plus tôt les cas à risque ? Il est certain que des améliorations sont possibles pour éviter que ce genre d’intervention ne devienne la norme.

En attendant, les équipes de Un Gîte Une Gamelle restent mobilisées. Il faudra encore de longues semaines pour rétablir la santé des animaux recueillis, gérer leur placement, et accompagner les structures d’accueil débordées par cet afflux inattendu. Un travail de fond que les bénévoles assument avec passion et dévouement, malgré la fatigue.

À Bompas, la maison est désormais vide, mais elle porte encore les traces de cette accumulation démesurée. Et derrière ses murs, c’est un pan entier de la souffrance psychologique humaine qui s’est révélé à la lumière du jour.

Source France bleu

Share:

Articles connexes