L’incurie est une situation complexe, souvent silencieuse, où une personne abandonne l’entretien de son corps, de son logement et parfois même ses interactions sociales. Ce comportement peut être le symptôme d’un trouble psychique, cognitif ou d’un isolement extrême. Pour les professionnels de santé, les travailleurs sociaux ou les proches, il est essentiel de savoir poser les bonnes questions avec empathie et discernement. Voici une série de 22 questions à poser, accompagnées de réponses types permettant de mieux cerner les réalités vécues par la personne concernée.
1. Comment allez-vous en ce moment, moralement ?
Je me sens souvent fatigué, vidé. C’est comme si tout m’épuisait. Je n’ai plus vraiment de joie à faire quoi que ce soit. Il m’arrive de passer des journées entières sans bouger, juste à attendre que le temps passe. Je ne saurais pas dire si je suis triste ou autre chose… c’est comme un vide. Je n’ai pas le moral, mais je ne sais pas comment faire pour aller mieux. Les choses que j’aimais avant ne m’intéressent plus. Même parler à quelqu’un me demande un effort. Je me sens seul, incompris, et parfois même inutile. Je pense souvent que ce que je vis n’intéresse personne.
2. Avez-vous remarqué des changements dans votre quotidien ces derniers temps ?
Oui, je dirais que tout a changé progressivement. Avant, j’arrivais à faire les choses de base : manger à heure fixe, sortir un peu, ranger chez moi. Mais petit à petit, j’ai arrêté. Je ne sais même pas pourquoi. J’ai perdu mes repères. Le jour, la nuit, c’est pareil pour moi. Je me lève tard, je saute des repas. Je ne fais plus le ménage, et quand je vois le désordre, je me sens dépassé. Je remets tout au lendemain, et les journées passent comme ça. Je n’ai plus de rythme, plus de cadre. Ça me fait peur parfois, mais je n’arrive pas à me reprendre en main.
3. Avez-vous encore envie de faire certaines choses, comme cuisiner, sortir, recevoir des amis ?
Honnêtement, non. Cuisiner me paraît être une montagne. Sortir aussi. Il y a des jours où je ne sors même pas de mon lit. Avant, je voyais des amis de temps en temps, mais maintenant je n’ose plus les inviter. J’ai peur qu’ils voient comment je vis. Et puis, je n’ai plus envie de parler, de faire semblant. Je ne sais plus ce qui pourrait me faire plaisir. Tout me semble trop compliqué. J’ai l’impression que même si je faisais un effort, ça ne servirait à rien. Alors je laisse tomber. J’évite les gens. Je me replie. C’est plus simple.
4. Dormez-vous bien ? Avez-vous de l’appétit ?
Je dors mal. Je me couche très tard, parfois au petit matin. Et même quand je dors, je me réveille souvent. J’ai l’esprit agité, des pensées qui tournent en boucle. Mon appétit aussi est très irrégulier. Il y a des jours où je ne mange presque rien, et d’autres où je grignote n’importe quoi à n’importe quelle heure. Je ne prends plus le temps de cuisiner. Je mange debout, devant l’évier ou dans mon lit. Je n’ai plus de vraie routine. Mon corps et mon esprit sont fatigués. Mais je n’arrive pas à retrouver un rythme stable.
5. Comment se passe la gestion de votre logement au quotidien ?
C’est très difficile. Mon logement est en désordre. Il y a des affaires partout, de la poussière, des déchets. J’ai honte de le dire, mais parfois je ne sais même plus ce qu’il y a dans certaines pièces. Le ménage, je n’arrive plus à le faire. Je me dis tous les jours que je vais m’y mettre, mais je ne trouve pas l’énergie. Et plus le bazar s’accumule, plus je me sens dépassé. C’est comme un cercle vicieux. Parfois je ferme les portes pour ne pas voir certaines pièces. J’évite les regards. Je n’ai plus la force de tout reprendre à zéro.
6. Avez-vous rencontré des difficultés pour ranger, nettoyer ou entretenir certaines pièces ?
Oui, complètement. Rien que l’idée de faire la vaisselle me décourage. Il y a des pièces où je n’ai pas mis les pieds depuis des semaines. Je n’ouvre plus les rideaux, je laisse les choses s’empiler. Je sais que c’est sale, mais je ne sais plus par où commencer. J’ai du mal à trier. Je me dis que ça pourrait encore servir. Et puis j’ai peur de jeter quelque chose d’important. Mon frigo est vide ou rempli de choses périmées. Je n’entretiens plus rien. J’ai honte, mais c’est comme si je n’étais plus capable. Même passer un balai est devenu une épreuve.
7. Y a-t-il des objets ou des choses dont vous aimeriez vous débarrasser mais que vous n’arrivez pas à jeter ?
Oui, il y en a beaucoup. Des vieux journaux, des habits trop petits, des emballages… Je sais qu’ils ne servent plus à rien, mais je n’arrive pas à les jeter. Je me dis toujours “au cas où”. Et puis il y a une forme d’attachement bizarre. J’ai peur de regretter après. J’ai déjà essayé de faire du tri, mais très vite je bloque. J’ai l’impression que tout est important. Ou alors je suis paralysé par le souvenir que ça représente. J’ai peur de prendre la mauvaise décision. Alors je garde tout. Et ça s’accumule, sans fin.
8. Est-ce que vous avez de l’aide pour faire le ménage, les courses ou la lessive ?
Non, je n’ai personne. Je n’ose pas demander. J’ai peur d’être jugé, ou qu’on me dise que je suis sale. Et puis je ne veux pas que quelqu’un voie mon appartement. J’ai trop honte. Avant, je faisais tout moi-même. Maintenant, même aller faire les courses est compliqué. Je commande parfois à manger, ou je me débrouille avec ce qu’il reste. Pour la lessive, je reporte toujours. Je mets les mêmes vêtements plusieurs jours. J’aimerais avoir de l’aide, mais je ne sais pas comment le dire. Je me sens seul et bloqué.
9. Est-ce que vous arrivez à vous laver régulièrement ?
Non, pas vraiment. Je me lave de moins en moins. Il y a des jours où je ne me lave pas du tout. Me lever, me déshabiller, aller jusqu’à la douche… ça me demande trop d’énergie. Et parfois, je n’en vois pas l’intérêt. Je n’ai plus d’envie de prendre soin de moi. Je repousse, je me dis “demain”. Et les jours passent. Je commence à me sentir mal dans mon corps, mais ça ne suffit pas à me motiver. Je sais que je sens mauvais parfois. Mais c’est plus fort que moi. Je me sens comme vidé, sans volonté.
10. Avez-vous des difficultés à faire votre toilette (physiques, matérielles ou psychologiques) ?
Oui, sur tous les plans. Physiquement, j’ai mal au dos, je fatigue vite. Matériellement, ma salle de bain est en désordre, je n’ai plus de produits adaptés. Psychologiquement, c’est le plus dur. Je ne me reconnais plus. Me regarder dans le miroir est difficile. Je me sens sale, moche, inutile. Prendre soin de moi me paraît dérisoire. Et en même temps, j’aimerais changer. Mais je n’ai pas le déclic. C’est un blocage, un sentiment d’échec permanent. Je me dévalorise. J’ai perdu l’envie de me sentir bien dans ma peau.
11. Depuis combien de temps n’avez-vous pas pris une douche ou changé de vêtements ?
Je ne sais plus exactement. Peut-être plusieurs jours. Ou même plus d’une semaine. Parfois, je change juste les sous-vêtements, mais je garde les mêmes habits. Je ne supporte plus de faire des lessives. Et je ne veux pas salir de nouveaux vêtements. Alors je garde toujours les mêmes. Je me dis que personne ne me voit de toute façon. Et quand je commence à me sentir trop sale, je m’enferme encore plus. C’est comme si je m’étais déconnecté de tout ça. Ce n’est plus une priorité pour moi. Même si je sais que ce n’est pas normal.
12. Est-ce que vous avez des produits d’hygiène à disposition ?
J’en avais, mais maintenant je ne suis même pas sûr de ce qu’il me reste. Mon armoire de salle de bain est en désordre. Il y a peut-être du savon, un vieux shampoing, un rasoir rouillé. Je ne fais plus attention. Je n’en achète plus. Parfois je me dis que je devrais aller à la pharmacie, mais je n’y vais pas. Je n’ai plus envie de me soucier de ces choses-là. J’ai abandonné ce pan de ma vie. Même une simple brosse à dents me semble accessoire aujourd’hui. J’aimerais retrouver ce réflexe, mais je n’ai plus le courage.
13. Recevez-vous de la visite de temps en temps ?
Non, très rarement. Et si quelqu’un veut passer, je trouve une excuse. Je ne veux pas que les gens voient dans quel état je vis. J’ai peur de leur regard, de leur jugement. J’ai fini par couper les ponts avec certaines personnes. Je dis que je suis fatigué, que je suis occupé, mais la vérité c’est que je me sens trop mal pour recevoir. Je me sens indigne d’avoir de la compagnie. J’ai l’impression d’être un poids. Alors je préfère rester seul, même si ça me rend encore plus triste.
14. Avez-vous de la famille ou des amis proches avec qui vous discutez régulièrement ?
Pas vraiment. J’ai encore quelques membres de ma famille, mais on ne se parle plus trop. Ils ne comprennent pas ce que je vis, et moi je n’ai pas envie de leur imposer ça. J’ai peur qu’ils me jugent, qu’ils ne me reconnaissent plus. Quant aux amis, j’en avais quelques-uns, mais je les ai peu à peu perdus de vue. Je ne réponds plus aux messages, je décline les invitations. Je me sens mal à l’aise, comme si je ne faisais plus partie du monde normal. Je suis seul, mais j’ai l’impression que je ne mérite pas mieux. Et ça me fait peur.
15. Est-ce que quelqu’un vous accompagne dans vos démarches ou votre quotidien ?
Non, je me débrouille seul, ou plutôt, j’essaie de le faire. Mais souvent, je laisse tomber. Les papiers s’accumulent, je rate des rendez-vous, je ne réponds plus au courrier. Je ne sais même plus comment m’y prendre. Parfois je me dis que j’aimerais bien avoir quelqu’un pour m’aider, mais je n’ose pas demander. Et puis je ne sais pas à qui m’adresser. J’ai l’impression que je devrais m’en sortir seul, mais je n’y arrive plus. J’aimerais qu’on me tende la main, sans me faire sentir coupable ou incapable. Juste un peu d’aide, sans jugement.
16. Avez-vous des papiers administratifs en attente ou qui vous posent problème ?
Oui, beaucoup. J’ai des enveloppes que je n’ai même pas ouvertes. Des factures, des rendez-vous médicaux, des relances. Je les entasse, je les cache, je les oublie. Et puis quand je me souviens, je panique. J’ai peur qu’il soit trop tard. Parfois, je ne comprends plus les démarches à faire. Les mots me paraissent compliqués, les formulaires me donnent mal à la tête. Alors je repousse. Et tout s’aggrave. J’ai honte, mais je n’arrive pas à reprendre le dessus. Je vis dans une angoisse sourde, que je préfère ignorer.
17. Gérez-vous encore seul(e) vos rendez-vous médicaux, vos courses, votre budget ?
Je fais ce que je peux, mais de moins en moins bien. Je rate des rendez-vous parce que je n’ai pas noté la date, ou parce que je n’ai pas la force de sortir. Les courses, c’est très irrégulier. Parfois je n’ai rien à manger, parfois je commande n’importe quoi. Le budget, je ne le suis plus. Je paie quand je peux, je laisse traîner quand je n’ai pas envie. J’évite de regarder mon compte. Je vis au jour le jour. Je suis dépassé par la gestion de la vie courante. Chaque petite tâche me semble insurmontable. Je me laisse aller.
18. Est-ce qu’il vous arrive d’oublier de prendre certains médicaments ou de ne plus savoir comment les prendre ?
Oui, ça m’arrive souvent. Parfois je ne sais même plus à quoi ils servent. Je les laisse traîner, je les oublie, ou je les prends au mauvais moment. Je perds les ordonnances. J’ai du mal à suivre les instructions. Et il m’arrive de me dire que ça ne sert à rien. Alors je laisse tomber. Je sais que ce n’est pas bon pour moi, mais je n’ai plus la force de faire attention à ça. Et je n’en parle pas à mon médecin, parce que j’ai peur de ce qu’il va penser. Je me sens coupable, mais je suis épuisé.
19. Si vous pouviez changer quelque chose chez vous, ce serait quoi ?
Je crois que je voudrais retrouver de l’ordre. Que mon appartement soit propre, clair, vivable. J’aimerais pouvoir m’y sentir bien, accueillir quelqu’un sans honte. Je voudrais aussi changer le regard que j’ai sur moi-même. Me sentir capable à nouveau. Retrouver un peu de confiance. Si je pouvais appuyer sur un bouton pour tout remettre à zéro, je le ferais. Mais là, tout me paraît bloqué. J’aimerais que quelque chose ou quelqu’un m’aide à relancer la machine. J’ai envie de changer, mais je ne sais pas par où commencer.
20. Qu’est-ce qui vous pèse le plus actuellement ?
Le sentiment d’être inutile. D’avoir tout laissé tomber. Je regarde autour de moi et je vois ce que je suis devenu, ce que j’ai perdu. Je me sens seul, coupé du monde. J’ai honte, et cette honte m’empêche d’avancer. Le poids du quotidien est trop lourd. Tout me semble compliqué, même les choses simples. Et je n’ai personne à qui parler de ça vraiment. Alors je garde tout pour moi. Ce qui me pèse, c’est ce silence intérieur. Cette sensation que personne ne peut comprendre ce que je ressens. Et que je vais rester comme ça longtemps.
21. Qu’est-ce qui vous empêche de faire certaines choses que vous faisiez avant ?
Je pense que c’est un mélange de fatigue, de manque d’envie, et de peur. J’ai perdu confiance. Tout est devenu lourd. Même des gestes simples me semblent trop durs. Je pense souvent à faire certaines choses, mais je ne passe pas à l’action. Comme si quelque chose me retenait. Une sorte de vide intérieur. Avant, j’étais plus actif. Mais aujourd’hui, je me sens figé. Comme bloqué. Je me dis que ça ne sert à rien, ou que je vais échouer. Et puis je repousse encore. Ce n’est pas que je ne veux pas, c’est que je n’y arrive plus.
22. Est-ce qu’il vous arrive d’avoir honte de votre situation ?
Oui, tous les jours. J’ai honte de mon corps, de mon logement, de mon mode de vie. Je sais que ce n’est pas normal, que je me laisse aller. Mais je me sens pris au piège. Je ne veux pas que les autres sachent. Alors je mens, je me cache. Cette honte m’isole encore plus. Elle me ronge. Et le pire, c’est que plus j’ai honte, plus je m’enfonce. C’est un cercle vicieux. Parfois, je me dis que je suis irrécupérable. Que je ne mérite pas mieux. Mais au fond, j’aimerais qu’on m’aide, qu’on me tende la main sans me juger.